La sirène installée sur le clocher voisin se met alors à hurler . Bernadette se crispe instantanément... Nous sommes le 1er mercredi du mois et la sirène sonne comme à son habitude. Mais je peux lire l'inquiétude sur son visage.
En ce jour de commémoration du 8 Mai, je voulais vous raconter l'histoire de Bernadette.
Je l'accompagnais dans le cadre d'une prise en charge en Equipe Spécialisée Alzheimer.
Bernadette est originaire de Normandie. Elle habite maintenant un petit appartement en plein centre ville de Gap pour se rapprocher de ses enfants.
Nous sommes un mercredi de juin, il fait un temps magnifique.
Je la rejoints à 11h chez elle pour faire une mise en situation pour la préparation du repas. Bernadette se débrouille comme une cheffe. Elle est organisée, minutieuse et attentive aux petites astuces que je lui donne.
Alors que le repas est prêt, nous nous asseyons à table pour discuter. Les fenêtres du salon sont ouvertes et nous entendons le bruit de la ville et des oiseaux qui rentrent dans la pièce.
La sirène installée sur le clocher voisin se met alors à hurler. Bernadette se crispe instantanément... Nous sommes le 1er mercredi du mois et la sirène sonne comme à son habitude. Mais je peux lire l'inquiétude sur son visage.
J'explique à Bernadette qu'il s'agit de la sirène habituelle, qu'elle va s'arrêter dans quelques secondes. Le bruit assourdissant couvre celui de la rue. Une fois le silence revenu, Bernadette semble s'apaiser.
... Mais la sirène se remet à hurler . Bernadette s'arrête net à nouveau. Son angoisse est palpable. Je reste très calme, sans avoir d'explication à lui donner sur cette seconde alerte (habituellement elle ne sonne qu'une seule fois).
... Puis le silence.
... Mais la sirène hurle une troisième fois ! Bernadette se réfugie apeurée sous la table. Je la rejoints. Même si je sais pertinemment qu'il n'y a aucun danger, Bernadette, elle, revit les bombardements de son enfance. Je ne peux pas la laisser seule, à essayer de la raisonner sur une réalité qui n'a pas de sens pour elle à ce moment là.
Le silence revient enfin. Il n'y a plus de sirène. Bernadette reste totalement crispée sous la table. Doucement, je la ramène dans le moment présent. Je lui demande de me dire ce qu'elle entend. Le chant des oiseaux m'aide beaucoup à ce moment là (il y a un grand tilleul devant les fenêtres de son appartement). Ils semblent avoir monté le volume de leurs chants comme s'ils voulaient couvrir le bruit de la sirène.
Bernadette les entend. Bernadette les écoute. Je lui demande alors de me dire les autres bruits qu'elle perçoit. Les voitures, les passants ... Petit à petit Bernadette se reconnecte à l'instant présent. Son visage se détend. Nous sortons de sous la table pour regarder par la fenêtre. Bernadette se rend compte que tout va bien.
Bien évidemment je ne suis pas partie tout de suite. J'ai prévenu ses enfants de l'évènement afin qu'ils lui rendent visite dans l'après midi.
Aujourd'hui encore, je ne sais pas si j'ai bien fait de rejoindre Bernadette sous la table, sachant pertinemment que ce n'était pas l'annonce d'un bombardement. Mais à cet instant, je n'ai pensé qu'à une chose : être là pour Bernadette.
Moralité ?
Cette aventure met parfaitement en lumière l'impact de nos souvenirs sur nos vies présentes. On parle également de "réminiscence". Ils sont remplis d'émotions. D'où l'importance de connaitre l'histoire des personnes que nous accompagnons pour encore mieux les accompagner.
Et les Carnets de Léon et Augustine dans tout ça ?
C'est la raison pour laquelle j'ai créé les activités "Brin de causette" dans Les Carnets de Léon et Augustine.
Elles offrent la possibilité à vos proches, aux personnes que vous accompagnez, de se livrer sur des anecdotes de leur vie.
Retrouvez les activités "Brin de causette" dans mes Carnets. Je vous donne rendez-vous ici
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